Parmi les nombreux itinéraires de Pécout, qui sont tous sources d’écriture, se trouvent les Amériques. Amérique du vagabondage et de son expression littéraire revisitée par les écrivains de la Beat Generation que le jeune Pécout découvrit à travers l’œuvre de Kerouac ou de Ginsberg, Amérique du reggae, mais aussi Amérique des mythes amérindiens. Ceux-ci passionnent Pécout comme le passionnent toutes les mythologies, formes d’expression poétique de la culture des peuples, qui révèlent la diversité constitutive de l’Humanité. |
C’est en 1985 que Pécout entreprend ces voyages vers l’Amérique, la trace écrite en parsèmera son œuvre de cette date au très récent Laissarem degun de 2008, avec notamment les poèmes « Camin d’Orongo », et « Lo caminaire de Cuzco ». |
En 1985, dans le numéro 17 de la revue Dolines, on trouve le début d'une série intitulée : « Amériques éclatées », incluse dans le « Journal de voyage ». Cette première chronique s'intitule « Lettre de l'Anahuac » : |
Dans un espagnol assaisonné de mots indiens, deux vieilles femmes parlent de tout et de rien, discutent cuisine. On dirait des mamés cévenoles. Elles ont l'éternité devant elles, et derrière, leur vie noueuse, attachée dans le dos comme un fagot de bois.
Pécout présente ensuite son voyage au Mexique, de Mexico à la forêt qui descend jusqu'aux Andes, et, en amateur de cuisine qu'il sait être, nous communique enfin une recette de volaille grillée à la zapotèque. Son goût de l'image poétique, conjugué au sens de l'humour, apparaît aussi dans cette forme d'écrit qui pour lui est loin d'être uniquement utilitaire. Un petit échantillon :
Ayez une dinde. Mais trouvez-moi, s'il vous plaît une dinde bien née. Coureuse, qui marche au grain, crête épanouie, plumes luisantes. Pas de ces ectoplasmes mouligas nourris de chimie et de poire d'angoisse. Sinon un poulet de bonnes dispositions fera l'affaire. […]
Le numéro 18 de Dolines, daté de 1986, contient la suite de la chronique. Pécout rend compte de la guerre civile au Salvador, et évoque rapidement d'autres pays de l'Amérique Centrale bouillon de misère et de violence: Honduras, Costa-Rica. À l'opposé, le Nicaragua sandiniste lui apparaît comme un chantier d'espoir. La chronique s'achève par une présentation des anciennes civilisations indiennes : Aztèques et Mayas, qu'il appelle respectivement les Romains et les Grecs de l'Amérique.
Dans le n° 19 de 1986 également, paraît une nouvelle livraison de la chronique qui évoque les enfants du Pérou, le Machu Picchu, l'Empire Inca. On en retiendra un émouvant tableau des enfants de Lima dont Roland Pécout écrira en 1996 une version occitane de ce texte, éditée accompagnée de la première version française dans le recueil collectif Enfanças, Nîmes, Lycée Camargue, Avril 1996, pp. 88 - 93. En voici un simple extrait significatif d'une vision du monde et d'un humanisme profond qui tout en refusant la misère à laquelle ces enfants sont condamnés, suggère qu'ils ne peuvent pas vivre seulement de pain : |
Ces petits d'hommes dégourdis et pleins de paradoxes disent une évidence que l'Europe a oubliée depuis le temps du roman picaresque : la vie est contradictoire, dans son cœur la joie s'entrelace avec la misère. Il faut tuer la misère et il faut sauver la joie. Ne pas stériliser l'une en guérissant l'autre.
En Europe on s'interroge en rond sur le Sens et les valeurs. C'est pourtant si simple... Que tous, et d'abord que tous les enfants de la planète aient un morceau de pain et un bout de bonheur : et tout le reste est littérature.
Nous savons que lorsque Roland Pécout donne d'un texte déjà écrit dans une de ses deux langues d'expression une version dans l'autre langue, il ne s'agit jamais d'un simple calque. Il s'agit d'une réécriture. L'exemple des Enfants du Pérou dans ses premières lignes nous paraît significatif. En voici la version française et la version occitane :
L'Histoire a entassé pour eux les montagnes et les regrets, tout beaux, barbouillés de verdeur, et qu'ils se dépatouillent ! Sur les chemins de la faim, ils sèment des cailloux et envoient des coups de pied dans les boites de conserves vides. |
L'Istòria a amolonat per elei lei montanhas e lei regrets, e que se despatolhen ! Sus lei camins de la fam, semenan de calhaus e tabassan a còps de pè lei boitas de consèrva vuejas. |
L’Amérique est aussi présente dans Laissarem degun, à travers les poèmes suivants :
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