Roland Pécout

Un écrivain voyageur

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Le Larzac, terre de luttes et paysage poétique

Lutte Occitane n°5 - Novembre 1972 Lutte Occitane n°5 - Novembre 1972

[Renvoi Visionnez les entretiens sur le Larzac avec Roland Pécout]

[Renvoi Visionnez la vidéo "la question du Larzac" (source : INA)]

Roland Pécout découvrit très jeune ces vastes espaces. Entre 1971 et 1974, il décide, selon sa propre expression, de prendre le large. Prendre le large, c'est, pour lui, se retirer sur le Larzac. Il se fait ouvrier agricole chez un paysan militant du Larzac, occitanophone, et dont la mère lui racontait, évidemment en occitan, les meetings de Jaurès à Millau. Pendant ce séjour dans l'espace qui va du Larzac à Millau, il contribue à animer le mouvement Lutte Occitane et la revue homonyme, imprimée à Millau.

Depuis sa jeunesse, Pécout a exercé les métiers les plus variés et notamment effectué des travaux agricoles. Son itinéraire ressemble, une fois romancé, à celui de Pierre-Jean dans L'Envòl de la tartana. Ce sont aussi des années de vagabondages en moto, en stop. Il confie à Françoise Jouanna : « ...la lucha politica, lo Larzac, ambé totei sei fracatges e seis estrambòrds, es estada una escòla.  » [… La lutte politique, le Larzac, avec ses échecs et ses enthousiasmes, a été une école].
Une consultation rapide des premiers numéros de Lutte occitane permettent d’y repérer l’influence de l’écrivain. Ainsi, en février 1973 : le numéro 7 contient un supplément sur la montée à Paris des paysans du Larzac, intitulé « Lo Larzac en marcha » Il s'agit de douze pages d'articles rédigées en français. Ce reportage a été écrit avec la collaboration de Pierre SerresFils de l’écrivain occitan Aimé Serres, il créa plus tard, à la fin des années 1970, le magazine régional Sud, et codirige actuellement La Gazette de Montpellier .

Telle ou telle expression de son premier recueil, Avèm decidit d’aver rason [Renvoi Consultez la fiche], figure, souvent en titre, sans mention de son nom d’auteur. C’est le cas, en mars-avril 1973, du numéro 8 qui présente un gros titre sur la première de couverture, repris à un poème du recueil : « Gardar, conquistar, inventar lo drech de viure”. C’est encore le cas, en juillet - août 1973 : dans le n° 10 (article : « Le Larzac à la croisée des chemins ») où on note, page 1, la phrase : Fòl qual creiriá que pòt desrabar / lo pòble de las cardabèlas [Fou celui qui croit qu'il peut déraciner le peuple des cardabelles.]. Cette phrase reprend un vers qui figure dans une chanson intitulée "Cardabèla" interprétée par le groupe du même nom dans son premier disque dont Pécout, en 1976, rédige le texte de présentation du 1er disque, dans lequel sont inclus 2 de ses poèmes, mis en musique par le groupe : « Se canta » (Avèm decidit d'aver rason)[Renvoi Consultez la fiche] et, justement, « Cardabèla ».

Lutte Occitane n°10 - Juillet Aout 1973 Lutte Occitane n°10 - Juillet Aout 1973

Quelques mots sont nécessaires également pour présenter le texte-titre : « Cardabèla ». Le chardon que l'on dénomme ainsi en occitan apparaît comme un symbole de résistance. Résistance et ouverture à la fois, ainsi de la première strophe :

Je suis enracinée dans le Causse
Et je regarde le soleil
La brise me peigne
Sans me casser
J’ai le cœur offert
Mais je sais me défendre…

Cardabèla - Photo : Georges Souche Cardabèla - Photo : Georges Souche

Soi enrasigada dins lo Causse
E agachi lo solelh
L'aura me penchena
Sens me copar
Ai lo còr ofèrt
Mai me sabi defendre...

ou encore dans le refrain :

Terre du Larzac
ouverte aux quatre vents
de la révolte...

Tèrra del Larzac
Dubèrta als quatre vents
de la revòlta...

Le paysage du Larzac, cœur du poème, est emblématique d'une certaine relation que l'écrivain entretient avec l'univers, et que l'on retrouve dans des passages du roman L'Envòl de la tartana.  Lorsque Pierre-Jean, le personnage principal de L'Envòl de la tartana, découvre le Larzac, Pécout décrit ainsi ce paysage : Aquel país semblava de se negar dins lo cèl coma dins una mar de lutz e de solesa. [Ce pays semblait se noyer dans le ciel comme dans une mer de lumière et de solitude.] On voit là l'harmonie, la fusion de la terre, de l'eau et du feu. L'air n'est pas absent du tableau. Ainsi dans le même passage : Lo vent vonvonejava coma un milhon d'abelhas. [Le vent bourdonnait comme un million d’abeilles.]

Dans le poème dont nous parlons, les quatre éléments sont également présents, ils s'interpénètrent dans une harmonie totale créée par l'usage poétique de la comparaison ou de la métaphore. Ainsi du début du texte que nous avons cité ci-dessus ou de cette autre strophe :

Aquel país es coma la mar
Coma un ocean de silencis
E de bruchs [...]
Lo cèl es larg e pròche
Del cloquièr de Sant-Martin
Lo podètz tocar amb la man.

Causse du Larzac - Photo : Georges Souche Causse du Larzac - Photo : Georges Souche

« Cardabèla » Texte interprété par le groupe montpelliérain du même nom. Musique du groupe,  "Ventadorn" VS3 L 22.

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Je suis enracinée dans le Causse
Et je regarde le soleil,
Le vent me peigne
Sans me casser,
J’ai le cœur offert
Mais je sais me défendre
Avec mes bras d'épines.
Je suis la rose des pâturages
Plus forte que les pierres.
Fou celui qui croit
Qu’il peut arracher
Le peuple des cardabelles !

Terre du Larzac
Ouverte aux quatre vents
De la révolte
Comme les ailes d'un moulin.

Ce pays est comme la mer
Comme un océan de silences
Et de bruits
D'hommes et de bêtes
De couleurs sévères
Et de toutes sortes de plantes.
Le ciel est large et proche
Du clocher de Saint Martin
Vous pouvez le toucher avec la main
Chaque instant est mouvement
Et la joie palpite
Comme font les ondes.

Terre du Larzac
Ouverte aux quatre vents
De la révolte
Comme les ailes d'un moulin.

Le désert ne le cherchez pas ici
Le désert est dans le cœur
Des maîtres de la guerre
Ici
Les maisons de pierre
Et les gros rochers noirs,
Sont nés de la main de l'homme
Au ras des moissons
Et des hautes prairies.
Les lièvres roux s'accouplent
Et les aigles sont bleues
Dans le soir.

Terre du Larzac
Ouverte aux quatre vents
De la révolte
Comme les ailes d'un moulin.

Il n’y a plus rien de vieux
Ni les hommes ni le pays
Chaque matin
Est un matin nouveau
Chaque jour
Un jour de naissance
Et les montagnes
Sautillent comme les agneaux
Comme le vent d’'autan plie les branches
Ainsi nous plierons le fer
Des barbelés
E les buis
‘Etoufferont l'acier !

Terre du Larzac
Ouverte aux quatre vents
De la révolte
Comme les ailes d'un moulin.

Soi enrasigada dins lo Causse
E agachi lo solèlh,
L'aura me penchena
Sens me copar,
Ai lo còr ofèrt
Mai me sabi defendre
Amb mos braces d'espinas.
Soi la ròsa de la devesa
Mai fòrta que las pèiras.
Fòl qual crei
Que pòt desrabar
Lo pòble de las cardabèlas !

Tèrra del Larzac
Dubèrta als quatre vents
De la revòlta
Coma las alas d'un molin.

Aquel país es coma la mar
Coma un ocean de silencis
E de bruchs
D'òmes e de bèstias
De colors sevèras
E de totas menas de plantas.
Lo cèl es larg e pròchi
Del cloquièr de Sant Martin
Lo podètz tocar amb la man
Cada instant es moviment
E la jòia palpita
Coma fan las ondas.

Tèrra del Larzac…
Dubèrta als quatre vents
De la revòlta
Coma las alas d'un molin.

Lo desèrt lo cerquetz pas aquí
Lo desèrt es dins lo còr
Dels mèstres de la guèrra
Aquí
Los ostals de pèiras
E los rocasses negres,
Nasquèron de la man de l'òme
Al ras de las meissons
E de las pradas nautas.
Las lèbres rossèlas s'apàrian
E las aglas son blavas
Dins lo vèspre.

Tèrra del Larzac…
Dubèrta als quatre vents
De la revòlta
Coma las alas d'un molin.

I a pus res de vièlh
Los òmes ni mai lo païs
Cada matin
Es un matin novèl
Cada jorn
Un jorn de naissença
E las montanhas
Sautejan coma los anhèls
Coma l'autan plega las brancas
Atal plegarem lo fèrre
Dels barbelats
E los boisses
Estofaràn l'acièr !

Tèrra del Larzac
Dubèrta als quatre vents
De la revòlta
Coma las alas d'un molin.

Indications bibliographiques :

  • Pierre Marie-Terral, LARZAC, De la lutte paysanne a l'altermondialisme, avant-propos de Rémy PECH et préface de Christian AMALVI, Privat, 2011 - Collection : Histoire / Sciences humaines, 2011.




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<tr>
<td class="citation">
<p><em>Je suis enracinée dans le Causse
Et je regarde le soleil
La brise me peigne
Sans me casser
J’ai le cœur offert
Mais je sais me défendre…</em></p>
</td>
<td class="citation">
<p>
Soi enrasigada dins lo Causse
E agachi lo solelh
L'aura me penchena
Sens me copar
Ai lo còr ofèrt
Mai me sabi defendre...</p>
</td>
</tr>
</tbody>
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