sommaire objet l'usage glossaire bibliographie sitographie

L’auteur dans l’atelier

Icône de l'outil pédagogique L’auteur dans l’atelier

En ce qui concerne le travail de collaboration entre l'auteur et l'imprimeur, certains contrats témoignent de la planification des engagements de chacun. Annie Parent cite en exemple un contrat qui stipule que l'auteur s'est engagé à remettre un copie « duement corrigée, escripte, correcte, preste à mettre à l'impression », « dans l'estat qu'il entend qu'elle soit imprimée ». Dans ce cas, l'auteur participe au choix du papier (qu'il fournit la plupart du temps), du format de l'ouvrage, des caractères à employer, de certains critères de mise en page allant de l'illustration qu'il peut parfois commander lui-même au graveur ou apporter et de sa place dans la page... Il est fréquent que l'imprimeur montre à son client différentes épreuves imprimées ou s'engage à faire fondre sur mesure de nouveaux caractères. Un cadre juridique existe pour contrôler le respect de l'engagement des deux parties, comme l'indiquent par exemple les actes notariaux et les copies qui serviront à l'établissement de la première épreuve, paraphées par les notaires qui lui donnent ainsi authenticité. Or la mise au point de la copie se fait en présence de l'auteur et avec son accord ; elle comporte notamment le décompte du nombre de signes, mais également le soulignement des mots par lesquels doit commencer chaque page.

Ainsi, l'auteur participe vraiment à la mise en page de son texte. De plus, la seconde épreuve du texte, après les corrections d'ordre typographique, est également destinée à l'auteur, et celui-ci peut poursuivre les corrections au fur et à mesure des impressions. Il est néanmoins freiné dans les modifications de son texte par le coût de celles-ci, comme en témoigne Boaistuau en avant-propos à l'édition des Histoires prodigieuses de 1560 : « Ce traicté d'Histoires (...) a été tant précipité par les Imprimeurs, qu'ilz le m'ont presque arraché des mains ; mesmes ne m'ont permis en revoir une seule épreuve ».

Le cas de Peletier du Mans cité par Jeanne Veyrin-Ferrer dans l'article intitulé « Fabriquer un livre au XVIe siècle » nous donne un bon exemple de travail en commun. Jacques Peletier du Mans est en effet venu s'installer chez Michel de Vascosan pour surveiller en 1542 l'impression de ses Œuvres poétiques. Mais « même s'il participe à la correction, il est rare que l'auteur veuille ou puisse s'astreindre à la présence quasi-permanente qu'impose le rythme, feuille à feuille, du travail quotidien » ; et de citer Germain de Brie qui écrit en 1526, à propos de sa traduction latine des Epistolae de saint Jean Chrysostome : « Je ne pensais pas me départir de mon repos pour me consacrer à cette peine dévorante et indigne de corriger des caractères, persuadé que j'étais d'en avoir assez fait si j'avais donné un exemplar correct ».

Ainsi, il faut rester très nuancé quant à la participation réelle de l'auteur à l'édition de son livre et ne traiter les cas que dans leur singularité, tout en gardant à l'esprit que la possibilité de certaines pratiques nous donne toutefois de précieuses indications sur la conception de la « production » collective du livre et la notion d'auteur à la Renaissance. Quand bien même ces pratiques collectives ne seraient pas systématiques, elles témoignent, de la part de certains auteurs, du souci de contrôler la forme que prendra leur ouvrage, quitte à participer à des modifications textuelles à la typographie.


Crédits - UOH - UM3