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Relectures et corrections

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Abordons maintenant la préhistoire de la « publication », quand des auteurs décident de mettre des écrits en circulation dans des cercles d'affinités ou de disciples. C'est le cas, par exemple, de Cicéron qui, de manière très concertée, confie à Atticus un certain nombre de textes pour les mettre en circulation et les diffuser par des voies commerciales. Un autre cas de figure est celui du médecin Galien au IIe siècle de notre ère, qui, à la demande de ses élèves, fait circuler ses brouillons ou ses notes de cours.

C'est encore ce que les Grecs appellent ekdosis, « le fait de donner à l'extérieur », quand un auteur décide de perdre le contrôle sur son texte. L'auteur s'en dessaisit, avec cette crainte perpétuelle de voir son écrit circuler sans qu'il ait la possibilité d'intervenir à nouveau, de le ressaisir. Cicéron, par exemple, écrit à Atticus :

« J'ai laissé passer une erreur énorme. J'ai confondu les noms d'Aristophane et d'Eupolis. Est-ce que tu as moyen de faire corriger les copies déjà mises en circulation ? ».

On observe encore un autre phénomène à Alexandrie, mais aussi à Pergame et dans les cercles savants romains : des individus s'arrogent un type de pouvoir qui n'est pas celui de l'auteur ni celui du lecteur, mais celui d'une sorte de médiateur exerçant une forme de contrôle sur un texte écrit antérieurement qui lui parvient dans un état donné. Il assume la responsabilité de rendre ce texte lisible, en le corrigeant, en l'adaptant, parfois même en le réécrivant. On a le sentiment que la lisibilité des textes se dégrade au fil du temps et qu'à un moment donné il faut remettre en forme le texte pour lui permettre de continuer à être diffusé, à être lu. Ce sont des instances éditoriales, l'éditeur-correcteur ou l'éditeur-diffuseur, qui ont un atelier de copistes reproduisant les textes : Galien, par exemple, fait confiance à son cercle, et à un moment donné se rend compte que la circulation de ses écrits ne peut pas être maîtrisée, car, quand il va à Rome, il y trouve ses notes de cours attribuées à d'autres auteurs que lui.

Il y a ainsi des formes de production des textes et des instances de publication extrêmement différentes.

Le danger qui guette donc l'auteur, hier comme aujourd'hui, c'est le plagiat, et le satiriste Martial s'emporte contre ce type de prédateur :

« Plagiaire impudent, voleur de mes écrits,


Qui crois que pour être poète

Il suffit d'acheter un volume à vil prix,

Reviens de ton erreur ; ce beau nom que l'on fête,


Par or, ni par argent, ne fut jamais acquis.


Crois-moi, va déterrer au fond d'un secrétaire


Quelque rouleau chargé de bons ou mauvais vers,


Vierge encore et connu seulement de son père ;

Qui, sans avoir passé sous les yeux du vulgaire


Ne fut encore visité que des vers.


Un livre publié ne change plus de maître.


Mais si tu cherches bien, peut-être


Tu trouveras sur ton chemin


Un volume nouveau, dont les soins d'un libraire


N'ont encore poncé ni rougi le vélin.


Qu'on te le cède, mais sous le sceau du mystère,


Puis, chez toi, de ton nom va couvrir ton larcin.


Voilà tout le secret : celui dont l'impuissance


Veut s'illustrer par l'ouvrage d'autrui,


Traitant avec l'auteur, doit acheter de lui


Son livre et surtout son silence » (I, 66).


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