L'occitan, une langue

L'occitan face à la langue du roi

L'annexion progressive des provinces méridionales au royaume de France après la Croisade contre les Albigeois (les Cathares) au XIIIe siècle va introduire une nouvelle situation linguistique. Dorénavant séparées de la Catalogne vers laquelle elles étaient tournées, les provinces méridionales ne regardent plus que vers le nord et l'occitan entre en concurrence avec le français. Les liens étroits qui pouvaient exister entre occitan et catalan sont rompus. Même si les usages écrits officiels en occitan croissent encore après le rattachement du Languedoc, on est entré dans une phase où le français, langue du pouvoir, est désormais en concurrence avec l'occitan. La promulgation de l'ordonnance de Villers-Cotterêts en 1539, sous le règne de François Ier, représente symboliquement l'officialisation du français écrit.

Dans l'article 111, le texte de l'ordonnance stipule que dorénavant tous les documents devront être rédigés « en langage maternel françois et non autrement ». La promulgation de ce texte, au XVIe siècle, représente symboliquement la fin des usages écrits officiels de l'occitan, même si concrètement le français a commencé à remplacer l'occitan officiel dès le courant du XVe siècle et même si sporadiquement l'occitan peut encore être utilisé dans la vie publique.

Ordonnance de Villers-Cotterêts, 1539, article 111
Ordonnance de Villers-Cotterêts, 1539, article 111InformationsInformations[1]
Ordonnance de Villers-Cotterêts, 1539, article 111 :

" Et pour ce que telles choses sont souvent advenues sur l'intelligence des mots latins contenus dans lesdits arrêts, nous voulons dorénavant que tous arrêts, ensemble toutes autres procédures, soit de nos cours souveraines et autres subalternes et inférieures, soit de registres, enquêtes, contrats, commissions, sentences, testaments, et autres quelconques actes et exploits de justice, ou qui en dépendent, soient prononcés, enregistrés et délivrés aux parties, en langage maternel françois et non autrement. "

Pour la population méridionale, majoritairement analphabète, ces changements ne sont pas perceptibles et l'occitan restera d'ailleurs pour plusieurs siècles encore la langue quotidienne de plusieurs millions de Méridionaux. Quoi qu'il en soit, le processus de substitution linguistique est d'ores et déjà enclenché, même si quelques écrivains tentent encore de défendre l'écriture littéraire en occitan face à une littérature française en plein essor. Les siècles suivants ne seront que l'histoire d'une lente et progressive exclusion de l'occitan, pris dans un processus diglossique qui lui est défavorable.

Un des premiers signes tangibles de ce déclassement linguistique est le délabrement puis la perte de la graphie autochtone occitane en l'espace de quelques décennies.

Extrait d'un testament daté de 1600 et rédigé à Saint-Pons (Martel 2010[2])

" Ce jour vint e cet del mes de dezembre, l'an mil sieis cens Pieres Buscaylet, per la graso de Dieu sans estre tengut d'auquno maladio corporelo, estan an mon bon sens et memorio, mes consideran que non aven causo plus serteno que de moury ny cauzo plus incerteno que l'ouro d'aquelo, apres ave recomandado mon armo a Dieu, que ly plaso me perdona mas fautos et pecatx, pregan ausy la Verge Mario et totx lous santz et santos de paradis, que leur plasio de pregua Dieu per my, ey voulgut faire mon testamen e ma darieiro voulontat. "

On voit qu'en perdant sa légitimité dans les registres les plus hauts, l'occitan perd non seulement sa graphie au profit du modèle graphique français utilisé comme modèle phonétique, mais qu'il est également touché dans ses structures linguistiques : l'influence française se manifeste par une présence de plus en forte de gallicismes qui se substituent aux formes qui étaient en vigueur jusque-là.

  1. Source : Wikimedia Licence : Domaine Public

  2. Martel 2010,

    « Les crises entrecroisées de la graphie de l'occitan de la cité au XVIe siècle », in Lieutard Hervé (dir.), Graphie et représentations graphiques de l'occitan entre le XVIe et le XVIIIe siècle, Lengas n°68, Montpellier, PULM

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