La littérature d'oc

Mille ans de littérature occitane – parcours historique et problématique

Qu'il existe une littérature occitane est à la fois une évidence historique régulièrement réaffirmée, et, en France du moins, une proposition un peu incongrue, accueillie avec réserve, scepticisme, étonnement, ironie selon les cas. Ce que Todorov[1] appelle « l'évidence fonctionnelle » de la « notion de littérature », à savoir la saisie la plus extérieure d'une entité littérature « au niveau des relations intersubjectives et sociales » ne fonctionne pas, ou si peu, pour la littérature occitane. La notion même est opaque. Et l'écran est moins linguistique - toutes les grandes œuvres sont traduites depuis longtemps en français, voire publiées avec traduction - qu'idéologique. La littérature occitane n'est presque jamais reçue, quand elle l'est, comme une littérature de l'espace français, ni comme une littérature étrangère, mais comme un phénomène étrange, inclassable . À toutes les époques il y a eu des critiques - parmi les mieux intentionnés - pour trouver « dommage » que telle œuvre remarquable ne soit pas écrite... en français. Jasmin, Peyrot, Mistral, et récemment Max Rouquette ou René Nelli en ont fait les frais.

L'inconcevable est d'abord la langue: une langue qu'on ne sait ni comment identifier, ni comment nommer, appelée ici et aujourd'hui occitane, et autrefois, ailleurs, appelée provençale, limousine, gasconne, romane, méridionale, d'oc, selon les entreprises de légitimation dont elle a fait l'objet. Toutes ces appellations allant évidemment contre la dénomination commune de patois... car l'inconcevable, et le non-dit, c'est bien qu'un patois ait une littérature. Que le dialecte de telle ou telle région soit utilisé à des fins d'écriture, en contrevenant aux usages fixés par des siècles de réglage de la diglossie (cohabitation de deux langues de statut différent), que cette écriture ne se cantonne pas dans des usages triviaux, mais prétende se placer sur le terrain de la langue officialisée de l'écriture, en écriture de la différence, voilà qui paraît étrange. Et qui l'est.

La difficile réception de la littérature occitane tient au caractère problématique de son statut. Elle existe indéniablement mais on ne peut l'appréhender comme objet d'étude sans une prudence méthodologique particulière.

Impossible donc d'évoquer la littérature occitane sans faire référence à la situation historique de la langue qui est si déterminante que certains proposent de distinguer non pas deux périodes mais deux littératures : la médiévale et la moderne . La littérature occitane aurait eu son apogée, son âge d'or, au début, quand la langue vulgaire d'oc (en diglossie par rapport au latin), avait un statut de parité avec les autres langues vulgaires romanes accédant à l'expression littéraire. Par la suite, la langue « ayant eu des malheurs » selon le mot de Sainte-Beuve, la littérature serait entrée dans son âge de fer, de façon plus ou moins convulsive, traversée de comètes et d'orages. La vision d'ensemble est historiquement juste mais dangereuse pour l'appréciation de la période moderne, qui, de fait, est encore la moins étudiée et la moins reconnue.

Ces considérations générales étant posées, pour la clarté pédagogique de notre exposé, nous distinguerons, comme cela se fait le plus souvent, quatre grandes périodes :

  • L'âge d'or médiéval (XIe – XIIe siècles)

  • La première renaissance dite communément « baroque » (XVIe – XVIIe siècles)

  • La deuxième renaissance du XIXe siècle avec notamment le Félibrige

  • La troisième renaissance, aux XIXe et XXIe siècles.

Nous nous proposons, dans un projet ultérieur, de compléter cette présentation sommaire par une anthologie rassemblant quelques grands textes des différentes périodes que nous présentons ici, ainsi que quelques portraits d'écrivains sous forme d'entretiens enregistrés ou filmés.

  1. todorov2

    Todorov, « La notion de littérature » , Les genres du discours, p.14, Paris, Seuil, 1978.

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