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Les outils du copiste

Icône de l'outil pédagogique Les outils du copiste

 

Le bureau
Source : Denis Muzerelle, Vocabulaire codicologique : répertoire méthodique des termes français relatifs au manuscrit.
Paris, 1985 (Rubricae, 1).
Version en ligne sur le site de l'IRHT

L'utilisateur de tablette à écrire avait à sa disposition un style ou graphium qui lui permettait de tracer un texte aussi bien sur une tablette de cire que sur une écorce de bouleau. Cet instrument de métal, d'os ou d'ivoire comprenait deux parties : une tige pointue et une palette. La palette, de forme triangulaire et légèrement concave, servait à effacer les lettres. Le stylet pouvait également servir à tracer la réglure (sur la feuille de parchemin), du moment que l'on en émoussait la pointe.

Pour écrire en revanche sur une feuille de parchemin, le copiste avait à sa disposition d'autres outils : il utilisait d'abord un couteau pour maintenir l'ouvrage ouvert sur l'écritoire (voir figure du bureau). Le plus souvent il était tenu de la main gauche tandis que le calame ou la plume était tenue de l'autre main. Le calame est un roseau taillé d'une quinzaine de centimètres à l'extrémité écrasée. Il était utilisé en même temps que les plumes d'oiseau. L'usage des plumes d'oiseaux est attesté dès le Ve avant J.-C. Les duvets de plume étaient ébarbés afin qu'ils ne puissent effleurer désagréablement la jointure de l'index. L'extrémité du tuyau était ensuite tranchée en biais, et une fente était pratiquée au milieu de celui-ci. On formait une découpe en bec de chaque côté puis on éminçait ce bec sous lequel, si cela était nécessaire, on enlevait un copeau très mince afin de bien adoucir l'envers. Cette technique de taille permettait au bec traceur d'assurer une écriture aux traits horizontaux très fins, aux traits verticaux forts et aux traits obliques épais. On utilisait des plumes de toutes sortes d'oiseaux : vautour, aigle, corbeau, grue, héron, cygne, canard et surtout oie. La plume de bécasse était utilisée pour peindre et on se servait également de pinceaux faits de poils d'oreille de bœuf, de martre et de vair.

Pour l'écriture, diverses encres étaient utilisées. Les noires, en usage depuis la plus haute Antiquité, sont décrites dans un manuscrit de la fin du VIIIe siècle qui constitue le premier recueil technique du Moyen Âge. Le traité du moine Théophile daté de la fin du XIe siècle et du début du XIIe siècle donne ensuite une série d'informations sur le sujet.

Noix de galle
Source : cliché, Béatrice Beys

L'expression générale « encres noires » désigne des encres utilisées pour la copie des manuscrits présentant des nuances allant du noir à la couleur rouille. En Occident on distingue deux grandes catégories d'encre : les encres au carbone et les encres métallo-galliques. Les premières étaient constituées d'un pigment noir issu de produits calcinés ou de noir de fumée. Ce pigment était ensuite mélangé à un liant de nature glucidique (gomme d'arbres, gomme arabique, miel), protéinique (blanc d'œuf, gélatine, colle de peau) ou bien lipidique (huiles). Ces encres se présentaient généralement sous forme solide. Elles étaient diluées dans l'eau avant d'être utilisées. Inoffensives pour le parchemin ou le papier, il arrivait cependant qu'elles y adhèrent mal et qu'elles s'écaillent. La deuxième catégorie d'encres dites métallo-galliques était préparée à partir d'extraits végétaux, l'un des plus utilisés étant la noix de galle. Ces extraits végétaux étaient traités par décoction ou macération puis filtrés et débarrassés de leurs particules végétales. On ajoutait enfin un sel métallique, du sulfate de fer ou du sulfate de cuivre que les recettes désignent très souvent sous le nom de vitriol. L'ajout de ce sel donnait naissance à un précipité noir. Pour maintenir ce dernier en suspension, on augmentait la viscosité du liquide surnageant en ajoutant un liant, le plus souvent de la gomme arabique. Dans cette recette de base, des additifs de toutes sortes étaient ajoutés, du vin pour servir de solvant, du mica, du lapis-lazuli ou du verre pilé pour donner à l'encre des reflets brillants. Ces encres liquides étaient corrosives pour le support.

Parallèlement à ces deux grandes catégories d'encres, ont également existé des encres mixtes comme des encres au carbone enrichies d'un extrait tannant ou un sel métallique ou des encres incomplètes c'est-à-dire des encres métallo-galliques dépourvues de liant ou de sel métallique. Une recette datant de la seconde moitié du XIVe siècle décrit l'une de ces encres incomplètes, composée uniquement d'un extrait végétal la noix de galle et d'un liant la gomme :

« Pour faire de l'encre (rouge ou fauve), prends 1 litre d'eau, mets-y 2 onces de noix de galle bien broyées. Laisse un jour, puis filtre et écris pour voir. Si cela boit, mets encore de la noix de galle, et si cela boit (encore ), mets 2 onces de gomme. Laisse quatre jours, puis écris »,

d'après le ms. Wien, Österreichische Nationalbibliothek, Jur. gr. 12, fol. 325v.

M. ZERDOUN BAT-YEHOUDA, Les encres noires au Moyen Âge jusqu'à 1600, (Documents et répertoires, 25), 1983, p. 306-307, cité dans le chapitre écrit sous la responsabilité de Monique Zerdoun dans P. GEHIN dir., Lire le manuscrit médiéval, p. 47.

Dans cette recette, l'absence de sel métallique influera sur la couleur de l'encre. Elle ne sera pas noire, mais plutôt brune ou fauve, comme le titre le précise.

Jusqu'au XIIe siècle en Europe, les recettes ne décrivent que des encres au carbone inspirées des textes de Pline, Dioscoride ou Vitruve. On ignore s'il s'agit là de témoignages purement livresques ou si ces encres ont été réellement utilisées. Il faut attendre le XIIe siècle pour avoir avec Théophile, la première recette d'encre métallo-gallique : encore y manque-t-il le liant. Ce n'est qu'à partir du XIIIe siècle que les encres métallo-galliques deviennent systématiques, et cela jusqu'au XVIIIe où l'ère des encres « modernes » commence.

Pratiquement, la couleur de l'encre permet d'identifier l'origine géographique de la copie : en Italie, l'encre a un ton gris ou jaune. En Angleterre, l'encre est noire ou brun noir (de même qu'en Allemagne et dans les régions soumises à l'influence anglo-saxonne).

Pour mettre en évidence certains éléments du texte, on utilisait une encre rouge brique, le minium (d'où le terme de « miniature » qui désignait originellement ces éléments textuels mis en valeur).

L'encrier est une source continuelle d'ennuis pour le copiste : il faut éviter les taches et empêcher que les tampons servant à le boucher ne produisent des filaments qui s'accrochent à la plume.


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