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Le prêt en bibliothèque

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Dans l'antiquité

Il faut signaler, concernant le fonctionnement des écoles elles-mêmes à l'époque hellénistique, un témoignage intéressant sur l'Académie conservé par Diogène Laërce ; il en termine avec la liste des œuvres de Platon et poursuit :

« Tel est le nombre des livres de Platon. Si quelqu'un voulait lire ces livres, disponibles depuis peu, raconte Antigone de Caryste dans la Vie de Zénon, il devait payer une somme d'argent à leurs propriétaires » (III 66).

Zénon, le fondateur de la Stoa, est arrivé à Athènes vers 313 avant J.-C. et fut alors l'auditeur de Polémon, scholarque qui avait succédé à Xénocrate à la tête de l'Académie en 314 avant J.-C. ; on peut donc retirer de ce texte l'idée que, une trentaine d'années après la mort de Platon, un accès limité et payant à ses textes aurait été décidé par Polémon. On voit ainsi se préciser la conception d'une bibliothèque de travail.

De fait, le moyen le plus sûr et le plus accessible d'obtenir les textes qu'on souhaitait consistait à se faire prêter les manuscrits qui les contenaient et à les faire copier. La multiplication des bibliothèques entraîne ainsi la copie à tous les niveaux, copies pour soi ou pour la vente.

 

Au Moyen Âge

Dans les universités des XIIIe et XIVe siècles, une pratique originale se met en place : la copie à la pecia : le texte à reproduire était décomposé en autant de parties (peciae) qu'il y avait de cahiers. Les copistes, le plus souvent des étudiants, venaient les louer successivement et à tour de rôle, auprès du « stationnaire » (libraire de l'Université) pour copier, chacun de son coté, un exemplaire complet du texte. « Ce système », pouvons-nous lire dans Lire le manuscrit médiéval (dir. P. Géhin, p. 176), « était surveillé de fort près par l'Université, qui en déterminait les règles, fixait les tarifs de location et contrôlait la correction de la copie. Rapidement détériorés par un usage intensif, les peciae étaient renouvelées lorsque cela était nécessaire, avec inévitablement, à chaque réfection, de nouvelles particularités textuelles », chaque copie éloignant davantage le texte de sa version originelle.

Comptant de plus en plus d'ouvrages, les dépôts de livres s'organisent pour que, devenus plus accessibles au prêt sur place comme à l'extérieur, la restitution des livres soit mieux contrôlée. Les témoignages sporadiques que nous avons conservés sur des systèmes de prêt à domicile dans l'Antiquité préfigurent l'organisation du prêt de livres dans les universités médiévales où il existait un authentique système de prêt. Nous avons en effet des renseignements sur le fonctionnement du service de prêt dans les bibliothèques des universités médiévales et spécialement celle de Paris, grâce au registre de prêt de la bibliothèque du Collège de Sorbonne (1402-1536), édité et annoté par J. Vielliard. La fondation de Robert de Sorbon devait permettre aux clercs séculiers l'accès à une sorte de studium generale, un cursus d'études générales. Les statuts du collège, élaborés en 1270, distinguent d'un côté les sociétaires, socii, maîtres ès-arts ou licenciés, membres du collège associés à part entière, profitant de tous ses avantages, y logeant, y étant nourris et ayant droit de vote dans les assemblées et accès à la bibliothèque, et de l'autre les hôtes, hospites, qui pouvaient loger et prendre leurs repas au collège, mais devaient payer leur quote-part, sans avoir pour autant le droit de vote dans les assemblées ; de même, pour emprunter un livre à la bibliothèque, ils devaient avoir un répondant parmi les socii qui empruntait à son nom (il est vrai que les registres de prêt ne font guère de différence entre ces deux types de pensionnaires).

 

Bibliothèque de la Sorbonne

En 1289, la bibliothèque de la Sorbonne, qui se forme grâce à de nombreux dons qui affluèrent très tôt (une partie des livres de R. de Fournival légués à G. d'Abbeville et la bibliothèque de ce dernier léguée à R. de Sorbon), avait été séparée en deux fonds et installée dans deux salles différentes. La magna libraria, la grande bibliothèque, était une salle de lecture qui comportait vingt-six pupitres sur lesquels les livres, les ouvrages indispensables aux études des maîtres et étudiants, étaient offerts à la consultation en libre accès, mais enchaînés comme l'usage en était fréquent. Ces usuels étaient choisis parmi les meilleurs en chaque matière. La parva libraria, la petite bibliothèque, contenait beaucoup plus de livres, rangés dans des coffres ou des armoires, ouvrages de recherche n'intéressant que les seuls spécialistes et qui pouvaient être empruntés. Elle abritait encore, dans une armoire fermée à clé, les livres de la Parva Sorbona, la « petite Sorbonne », collège fondé par Robert de Sorbon et destiné à l'enseignement des arts.

Le bibliothécaire, librarius, était chargé de dresser des inventaires. Il était assisté de parvi librarii, « petits bibliothécaires », qui avaient la charge d'entretenir les salles, de ranger les livres et d'informer la communauté de leur état d'usure et des pertes éventuelles. Ils avaient encore pour mission de surveiller le retour des livres empruntés. C'est ainsi que Jean du Pont, exécuteur testamentaire d'Alard Palenc, a rendu tous les livres de ce dernier après sa mort, sauf un livre de saint Thomas, emprunté par Alard en 1431 et prêté ensuite à Jean du Pont lui-même qui l'avait gardé par-devers lui : rappelé à l'ordre, ce dernier finit par restituer le volume. De même, le 28 février 1481, le proviseur organisa une « descente » chez Jean Cordier qui n'avait pas rendu ses livres avant de quitter le collège.

Plus honnête, en 1411, maître Jean Ladorée, dont la liste d'emprunts avait été ouverte avant 1404 dans un premier registre disparu, reconnaît avoir égaré une Bible : il a donc dû, pour compenser cette perte, déposer en gage huit volumes.

Ce système d'indexation des livres et de prêt aux étudiants est sans doute le plus ancien d'Europe.

 

Autres bibliothèques

En regardant hors de la Sorbonne, vers les autres collections de livres ouvertes (plus ou moins) ouvertes au prêt, nous constatons que, si l'emprunt de livres a généralement été consigné, il n'a pas obligatoirement donné lieu à l'établissement d'un registre particulier. Le prêt est alors inscrit à la suite de l'article (bibliothèques de Charles V, de Charles d'Orléans, de Dunois), ou dans la marge, en regard de l'article (bibliothèque pontificale d'Avignon, bibliothèque du pape Eugène IV).

Les bibliophiles comme les Pithou se prêtent volontiers des manuscrits et en prêtent aussi à leurs amis, qui ne leur rendent pas toujours les copies.


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