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Le mur

Icône de l'outil pédagogique Le mur

À la différence des supports précédents sur lesquels le texte écrit est nécessairement court, la surface des murs permet l'inscription ou le tracé peint de textes plus étendus.

Deux exemples illustreront l'écriture sur ce support : des petits textes, souvent anonymes, ou graffiti et des inscriptions plus étendues, dont le plus bel exemple est constitué par l'inscription des Res gestae d'Auguste.


Les graffiti

Le mot italien graffito dérive du latin graphium (éraflure) qui tire lui-même son étymologie du grec graphein qui signifie indifféremment écrire, dessiner ou peindre. Ce type d'inscription se signale par son caractère sinon illégal, du moins clandestin. Les graffiti ont une grande importance en archéologie : ils font partie, avec les textes épigraphiques, des témoignages écrits non littéraires, populaires, souvent très « vivants » et aptes à nous révéler des aspects inédits des sociétés qui les ont produits. Les graffiti antiques pouvaient être aussi bien des annonces électorales, des messages de supporters à certains athlètes (sportifs ou gladiateurs), des messages à contenu politique, religieux, érotique ou pornographique, personnel, etc.

On peut encore lire des graffiti âgés de deux millénaires à Pompéi, car c'est l'un des rares sites qui soit suffisamment bien conservé. En effet, les graffiti sont par essence éphémères et disparaissent, soit parce que leur support a disparu, soit parce qu'ils ont été effacés délibérément ou qu'ils ont été victimes de l'érosion naturelle de leur support.

D'assez nombreuses inscriptions peintes nous permettent de saisir le déroulement des campagnes politiques donnant même l'impression d'une véritable fièvre électorale. Les inscriptions électorales comportent le nom du candidat, suivi de la magistrature à laquelle il prétend (édilité, duumvirat...) et de la mention de ses soutiens. Certaines de ces inscriptions pouvaient être parodiques et émaner de concurrents, comme celle-ci :

MARCUM CERRINIUM VATIAM AEDILEM ORO UOS FACIATIS; SERIBIBI UNIVERSI ROG(ANT),
« Élisez, s'il vous plaît, Marcus Cerrinius Vatia comme édile. Tous ceux qui boivent la nuit le demandent ! » (CIL IV, 49).

Outre les annonces électorales, les murs portaient de nombreuses autres mentions écrites de nature plus ou moins publique. Les annonces de spectacles témoignent de l'importance de ces activités pour la cité, mais aussi du désir des évergètes de voir leur action reconnue. Les murs de Pompéi étaient aussi le lieu d'expressions plus personnelles, du portrait croqué rapidement jusqu'aux inscriptions au texte explicitement sexuel, en passant par les attaques personnelles, les petites annonces comme cette annonce d'un spectacle de chasse :

HEIC . VIINATIO . PVGNABIIT . V. K. SIIPTIIMBRIIS
IIT . FIILIX . AD . VRSOS . PUGNABIIT
« Ici on donnera une chasse, le 5 des calendes de septembre (= 28 août) : Félix combattra contre des ours » (CIL IV 1989).

 


Les Res gestae d'Auguste

D'autres inscriptions sur les murs correspondent à la publication de textes officiels. Nous avons conservé un remarquable exemple d'inscription officielle avec les Res gestae d'Auguste. À Rome en effet, l'empereur Auguste confie en dépôt aux Vestales, un an avant sa mort en l'an 14, trois rouleaux scellés contenant :

  • des indications sur la manière de régler ses funérailles,
  • le compte rendu de ses actions, qui devait être gravé sur des tables de bronze à placer devant son mausolée à Rome,
  • un état de situation de tout l'Empire, indiquant les effectifs de l'armée et le bilan financier du trésor public, du trésor impérial et des redevances.

Le deuxième rouleau, appelé Res gestae, « les Hauts Faits » (ce qui donnera les « chansons de geste » au Moyen Âge), a effectivement été gravé sur deux tables de bronze fixées à des piliers devant le Mausolée d'Auguste à Rome, et des copies en ont été faites, affichées ou gravées sur les murs des nombreux temples d'Auguste à travers l'Empire.

Bien que les tables de bronze de Rome aient disparu, le texte des Res gestae est connu grâce aux copies qui ont été découvertes à Ancyre en 1555, à Antioche entre 1914 et 1924, ainsi qu'à Apollonie de Pisidie en 1930.

La copie d'Ancyre (aujourd'hui Ankara) est la plus complète et a servi de base à la reconstitution et à l'édition du texte. Elle a été découverte en 1555 par Ogier Ghislain de Busbecq, un humaniste et diplomate français chargé par l'empereur Ferdinand d'une ambassade auprès de Soliman. Cet homme curieux de tout se promenait le long du « Temple de Rome et d'Auguste » (le Monumentum Ancyranum) reconverti en mosquée quand il leva les yeux et vit des caractères non arabes. L'inscription latine était accompagnée d'une traduction grecque, puisqu'elle se situait dans la partie orientale et hellénophone de l'Empire.

La traduction grecque ainsi que les autres copies retrouvées sur d'autres sites et qui ne sont que des fragments ont servi à compléter ou à éclaircir le texte d'Ancyre, dont le latin était très abrégé ou lacunaire. De par leur nature, les Res gestae ne sont pas objectives, et tendent à l'apologie du principat institué par Auguste. Elles se concentrent sur les événements intervenus entre 44 avant notre ère, date de l'assassinat de Jules César, le père adoptif d'Auguste, et la victoire d'Actium, en 31 avant notre ère, victoire à partir de laquelle le pouvoir du futur Auguste n'est plus contesté.

La plupart des supports rigides offrent des écritures « exposées », c'est-à-dire placées dans des endroits publics et accessibles à tous. Ces écritures, qui ont été très étudiées, constituent une des originalités fortes de la ville romaine et ne se limitent pas aux seules écritures monumentales. La société romaine en effet a recours à la gravure et à l'exposition pérenne de nombreux textes pour leur donner, à la fois ou selon le cas :

  • un caractère public et officiel,
  • une valeur de référence,
  • une valeur commémorative spécifique,
  • la possibilité, virtuelle autant que réelle, d'être lue par chacun.

Cette exposition repose au départ sur une sélection des textes et des personnes par une autorité. À cette sélection initiale le temps a ajouté la sienne : un support prestigieux, le bronze, aisément refondu, s'est révélé sur le long terme plus fragile que d'autres matériaux. Inversement, des textes qui n'avaient pas de statut officiel (graffiti, jeux de lettres...) ont pu se conserver jusqu'à nous, par hasard pourrait-on dire, sur le dallage des forums ou les parois de quelques tavernes et autres lieux de sociabilité masculine. Par le choix du matériau, il est vrai, le support a la charge de témoigner du statut du document qu'il conserve pour la postérité : c'est ainsi que les sénatus-consultes qui accordèrent à César le droit à un tombeau à l'intérieur du pomerium furent gravés en lettres d'or sur des tables d'argent déposées aux pieds de Jupiter Capitolin.


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