Il convient ici de souligner le continuum entre l'Antiquité et la Renaissance qui concerne les pratiques savantes liées au livre, que ce soit à titre individuel ou à titre collectif. La rupture entre les pratiques de l'écrit a, en effet, été plus forte au moment de l'adoption du codex qu'au moment de la découverte de l'imprimerie, celle-ci ayant pour effet une certaine « démocratisation » de l'écrit.

Étudier le devenir du livre à travers les âges suppose une analyse minutieuse des contextes sociaux, des situations de pouvoir, des usages politiques et collectifs de l'écrit et, d'autre part, une démarche anthropologique à travers l'approche de l'écriture comme mode d'extériorisation et de matérialisation non seulement de la parole, mais aussi de la pensée.

La sémiologie de la parole est un grand problème, mais qui n'est traité que très secondairement parce que les linguistes sont partis de l'idée que l'écriture était avant tout le reflet de la parole. Est-ce un hasard si, au moment où l'écriture alphabétique opérait sa révolution, deux personnages, Platon et Aristote, ont fondé la philosophie qui reste à la base de tout ce qui suivra ? Platon a eu le génie de discerner le problème des rapports de la communication écrite, de la communication orale et de la communication visuelle, et de souligner les conséquences qu'entraînait l'usage de l'écriture, notamment pour l'exercice de la mémoire.

En élargissant la réflexion, on voit le rôle que l'écrit a pu jouer dans l'évolution des formes de pensée. Enfin, une histoire du livre en relation avec le système de communication d'une société devrait faire appel, en plus des spécialistes des différentes sciences humaines, aux neurophysiologues et permettrait peut-être de répondre, dans le cadre d'une recherche pluridisciplinaire, à la question de savoir comment une technique de communication donnée peut faire jouer de façon différente les circuits du cerveau humain.