La littérature d'oc

Chanter l'amour

Il faut dire que la composition de la chanson (cançon), le grand genre par excellence, consacré à l'expression de la fin'amor, n'était pas une petite affaire. Les ouvrages théoriques nous expliquent qu'il s'agit d'une formule qui exige la nouveauté, l'inventivité, tant en ce qui concerne la razon (argument), que les motz (vocabulaire) et le son (la mélodie ; la musique, certes, mais aussi les complexités de la métrique). Si l'on nous explique que la chanson reçoit son inspiration de l'amour, on ne tarde guère à comprendre que la perfection de l'amour doit se prouver par celle du chant et si la description de la dame en reste généralement à l'abstraction, les prouesses métriques et mélodiques sont bien évidentes. Qu'il s'agisse du trobar lèu (composition légère sinon facile), du trobar clus (hermétisme) ou du trobar ric (riche), tous les styles exigent travail et habileté. Les poèmes lèu d'un Bernard de Ventadorn donnent une clarté et une impression de facilité totalement démentie par un travail si habile qu'il ne se fait pas sentir. Le fait que le sujet de la cançon soit fixe le transforme souvent en prétexte : on oublie vite les exégèses de la fin'amor pour se consacrer au travail sur la forme, sur les sons, sur le choix des mots et l'ensemble des chansons se transforme en un vaste champ-clos où les poètes rivalisent d'ingéniosité pour le plus grand bonheur des entendenz, ces auditeurs connaisseurs, habiles à détecter les allusions d'un poème à l'autre et même d'un siècle à l'autre.

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