Gestions des plurilinguismes
Cours

Dispositions et dispositifs

La prise en compte de la coexistence généralisée de deux langues (nationales), même si une seule, l'espagnol, avait le statut de langue officielle, et l'exigence de protéger le guarani et de promouvoir son enseignement, étaient inscrites dans la Constitution de 1967 (Article 5). Néanmoins on peut dire que le point de départ pour un authentique traitement institutionnel de la diglossie paraguayenne est la Constitution de 1992, bien que la Loi n° 68 de 199O, promulguée après la chute de la dictature, rendait déjà obligatoire l'enseignement des deux langues nationales (article 1) et prévoyait "des programmes d'enseignement pour l'emploi correct de la langue guarani" et "des mesures destinées à promouvoir sa diffusion et son prestige" (Article 2. je traduis)

La nouvelle constitution démocratique promulguée en 1992 représente bien une rupture dans le traitement officiel du plurilinguisme eu Paraguay et même en Amérique Latine. En effet le castillan et le guarani y sont déclarés conjointement "langues officielles" (et non plus seulement nationales) et "les langues indigènes, ainsi que celles des autres minorités [comme faisant] partie du patrimoine culturel de la nation"(article 140) . Le Paraguay y est proclamé "pays pluriculturel et bilingue" (je traduis). L'enseignement obligatoire de la langue maternelle est prévu (article 77). Une Loi votée la même année (n° 28 de 1992) stipule que "l'enseignement des langues officielles, castillan et guarani, est obligatoire à tous les niveaux du système éducatif paraguayen: primaire, secondaire et universitaire" (je traduis).

La Loi générale d'Éducation de 1998 précise un certain nombre de dispositions concernant cet engagement éducatif. La nouvelle politique éducative est placée sous l'autorité du Ministère de l'Éducation et de la Culture et la Loi précise le rôle d'un Conseil National d'Éducation et Culture (CONEC), chargé en particulier de "proposer les politiques culturelles [et] la réforme du système éducatif national" (Article 92; je traduis). L'Éducation bilingue sera la colonne vertébrale de la réforme éducative envisagée ( González Ramos de Benítez 2006: 9-14). Et planifiée, bien que les avis sur son état d'avancement et les résultats obtenus depuis sa programmation divergent. La mise en œuvre de cette planification ambitieuse (bien que limitée à l'enseignement) n'a pas été sans susciter diverses polémiques, parfois pleinement justifiées. Elle est passée par diverses phases et révisions et a dû composer avec la situation économique particulièrement critique du Pays et les handicaps structurels qu'elle induit.

La Commission Nationale de Bilinguisme (« Comisión Nacional de Bilingüismo »), organisme de réflexion installé depuis 1994 auprès du Ministère de l'Éducation et de la Culture et composé d'éminentes personnalités qualifiées, a proposé au Parlement un projet de loi en faveur du guarani et des autres langues du Paraguay. La discussion autour de ce projet et d'un autre émanant de la société civile a permis une synthèse et en 2010 le vote d'une Loi des langues du Paraguay très attendue, promulguée par le Président de la République dans les derniers jours de 2010.

S'il y a eu incontestablement rupture en matière glottopolitique, elle est somme toute de fraîche date et sa concrétisation a dû affronter bien des obstacles, à commencer par les représentations héritées d'un long passé diglossique, un déficit de formation et de matériels pédagogiques et sûrement une insuffisante réflexion théorique et méthodologique à la hauteur des ambitions affichées. Le défi de l'État paraguayen est bien dans la réussite d'un dépassement du conflit diglossique : et l'on peut comprendre que ce dépassement ne sera pas forcément réglé par une Loi.

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