Gestions des plurilinguismes
Cours

Introduction

La province de Voïvodine, située au nord de la Serbie, culturellement et linguistiquement hétérogène, est un observatoire de premier plan, voire un cas d'école, de la gestion du plurilinguisme. La configuration sociolinguistique de cette province serbe présente des caractéristiques que l'on rencontre rarement dans le contexte européen, tant des populations diverses (Serbes, Hongrois, Slovaques, Roumains, Ruthènes, etc.) s'y mêlent en offrant le spectacle d'un véritable brassage de langues et de cultures. Les leçons à tirer de cette situation sont de plusieurs ordres : comment une région plurilingue gère-t-elle son autonomie au sein d'un État nation est-européen, quelles sont les racines historiques de cette relation du centre à la périphérie, quels sont les avantages et les inconvénients de cette situation ?

Voyons tout d'abord comment se répartissent les communautés linguistiques pour former des configurations plurilingues dans cette province autonome, qui compte une population totale de 2 031 992 habitants. D'après les données du dernier recensement de 2002, les principaux groupes nationaux se répartissent de la manière suivante :

Serbes

65,05 %

Hongrois

14,38 %

Slovaques

2,79 %

Croates

2,78 %

Roumains

1,50 %

Ruthènes

0,77 %

Les six groupes du tableau ci-dessus sont ceux dont les langues bénéficient aujourd'hui d'un statut officiel au sein de la province, mais il ne s'agit pas forcément de groupes majoritaires démographiquement parlant. La Voïvodine compte également 2,45 % de Yougoslaves (concept nationalitaire plus que linguistique), 1,75 % de Monténégrins et un nombre important de Roms, d'Ukrainiens, de Croates-Bunjevci, de Macédoniens, etc.

Les causes de l'hétérogénéité « ethnique » et, par conséquent, linguistique de la Voïvodine, qui rend cette province si originale, sont à rechercher, entre autres raisons, dans les vagues de colonisations systématiques menées par l'empire austro-hongrois, dont la Voïvodine a fait partie avant d'intégrer, à la fin de la Première Guerre mondiale, le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes, devenu plus tard la Yougoslavie. Différentes populations sont venues s'implanter ici de tous les coins du continent européen – y compris d'Europe occidentale, mais surtout d'Europe centre-orientale – et y sont restées, le plus souvent dans les mêmes localités, jusqu'à aujourd'hui.

À l'échelle balkanique, la Voïvodine est également connue pour sa tradition de cohabitation harmonieuse entre les groupes nationaux et confessionnels. Ici, contrairement à d'autres régions de l'ex-Yougoslavie, cette cohabitation n'a pas causé de problèmes majeurs. Les différentes populations que nous avons mentionnées vivent dans une sorte d'équilibre en Voïvodine, équilibre qui, comme le rappelle Mirko Djordjević dans l'entretien que nous avons réalisé avec lui, n'a pas été, en tout cas pas de façon significative, remis en question jusqu'à nos jours.

Une configuration sociolinguistique unique (page suivante)Analyse (page Précédente)
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