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Les majuscules

Icône de l'outil pédagogique Les majuscules

Il existe quatre grands types d'écriture en majuscule de la fin de l'Antiquité et de la Haute Époque byzantine :

  • ce qu'on appelle la majuscule biblique dans laquelle sont copiés des manuscrits fondamentaux pour la transmission du texte grec de la Bible, c'est-à-dire, le Codex Sinaiticus, actuellement à Londres, et le Codex Vaticanus, mais aussi des textes païens, comme le Dioscoride illustré de Vienne.
  • Ce qu'on appelle la majuscule alexandrine, à laquelle on donne parfois le nom d'onciale grecque de type copte. C'est le type d'écriture qui a été adapté par les Coptes pour la notation de leur propre écriture (à partir d'une écriture grecque).
  • L'écriture ogivale représentée dans les manuscrits du Sinaï et dans ceux de l'Italie méridionale.
  • L'écriture grecque, exemple : les capitales dans les PHerc. et la ponctuation.


L' écriture grecque

Nous avons précisé plus haut que les livres grecs sur papyrus étaient écrits uniquement en scriptio continua, donc sans coupure entre les mots, et en lettres capitales, les lettres les plus lisibles qui soient, à l'exclusion de toute écriture cursive. On signalera simplement que, dès le IIIe siècle avant notre ère, le sigma y a la forme lunaire (C), et non celle du « sigma angulaire » ou « épigraphique » (Σ), qui se rencontrait à l'origine (on le retrouve encore dans le papyrus des Perses de Timothée ou dans celui de Derveni (début du IVe siècle), tandis que l'oméga y a toujours la forme de l'oméga minuscule ( ω, et non celle de l' « oméga épigraphique », Ω). Quant aux autres capitales, elles sont identiques aux majuscules. L'objectif des scribes étant de garantir la meilleure transmission possible, à travers les générations, des textes dont on leur confiait la transcription, ce type d'écriture était idéal, même s'il prenait pas mal de temps (l'écriture cursive sur ce point va bien plus vite, mais pose ensuite de redoutables problèmes de déchiffrement !). Mais cela n'était pas suffisant, et les livres carbonisés d'Herculanum nous fournissent la preuve irréfutable de l'existence dès la fin du IIIe siècle avant notre ère (et sans doute même avant cela) d'un système élaboré de ponctuation et de découpage syntaxique, qui permettait au lecteur de voir apparaître, toujours dans la marge gauche des colonnes, la structuration syntaxique d'ensemble. De fait, les signes de ponctuation, qui sont en petit nombre, étaient à l'évidence hiérarchisés, allant de l'indication d'une simple pause (correspondant à nos virgules, tirets, parenthèses ou guillemets) à la marque de la fin d'un livre ou d'un passage particulièrement important qu'on a jugé bon de mettre en évidence, en passant par l'indication de la fin d'un chapitre et du début du suivant.



Les signes de ponctuation

Fig.1
Source : Coll. Institut de Papyrologie de la Sorbonne - Paris IV.

Fig.2
Source : Coll. Institut de Papyrologie de la Sorbonne - Paris IV.

► Le paragraphos

Le premier, et le plus faible, porte le nom de paragraphos (fig. 1) et se présente sous la forme d'un petit trait horizontal ( _ ) placé à cheval sous la première lettre de la ligne où se situe la coupure et la marge de gauche. Ce trait est parfois précédé d'un petit trait à angle droit accolé (∟ ou ⌐). Dans les dialogues des textes dramatiques, la paragraphos servait aussi à indiquer les vers à l'intérieur desquels il y avait un (ou plusieurs) changement(s) de personnages (fig. 2).

Fig.3
Source : Coll. Institut de Papyrologie de la Sorbonne - Paris IV.

► Le coronis

Le signe de coupure le plus fort, en revanche, porte le nom de coronis (« corneille » en grec), du fait que sa graphie stylisée, qui le rend bien visible, évoque plus ou moins la silhouette d'un oiseau. Il accompagne, en la soulignant fortement, une paragraphos pour laquelle il constitue une sorte d'accolade qui s'étend sur une hauteur de plusieurs lignes. Outre sa position en fin de livre (fig. 3), ce signe se rencontre parfois en cours de rouleau pour indiquer un passage jugé particulièrement intéressant ; il semble qu'alors ce soit une paire de coronis qu'on ait employée, la première destinée à marquer le début du passage souligné et l'autre à le clore . C'est, en tout cas, ainsi que l'on est tenté d'interpréter le jeu des deux coronis présentes aux col. 119 et 121 du livre IV de La Musique de Philodème (Delattre, 2007, p. CLXIV). Ce n'est toutefois pas le seul exemple d'une telle utilisation couplée dans la bibliothèque campanienne. Pour un lecteur de l'antiquité en tout cas, il n'y avait aucune ambigüité entre ces deux types d'emploi, puisque, placée ailleurs qu'à la fin d'un rouleau-livre en prose (ou de chacun des livres d'un ouvrage de vers contenus dans un même rouleau), la coronis ne pouvait qu'attirer l'attention sur un point remarquable du texte.

Fig.4
Source : Daniel Delattre-Laurent Capron, CD-Rom « Les Sources documentaires du Livre IV des Commentaires sur la musique de Philodème » (réalisation: Institut de Papyrologie de la Sorbonne- Université de la Sorbonne, Paris IV), Paris, 2007.

 

► La diplè

Entre ces deux ponctuations de forces opposées se situait celle qu'on désigne sous le nom de diplè (fig. 4). Ce mot, qui est, en grec, un adjectif féminin signifiant « double », s'explique par le substantif paragraphos sous-entendu : il s'agit en fait d'une « (marque de pause) doublée », dont la force se situe entre la paragraphos simple et la coronis. Dans la pratique, ce signe qui se présente sous la forme d'un crochet oblique fermant suivi d'un trait horizontal (>--) et s'utilise concrètement comme la paragraphos, peut marquer la fin d'une longue période. Plus souvent, il équivaut à un changement d'alinéa ou de paragraphe (le terme français dérive directement du grec, même s'il a pris un autre sens : ce que nous nommons « paragraphe » est en effet la longueur de texte comprise entre deux paragraphos). Ou bien encore, il indique un changement de chapitre et revêt alors une valeur de coupure particulièrement forte. La diplè peut offrir des variantes graphiques, avec deux ou trois points disposés autour du crochet oblique initial et qui lui confèrent davantage une allure de « broche », d'où son appellation de diplè obelismenè. Cette décoration supplémentaire modifiait-elle ou non la force de coupure de la diplè ? Il est encore difficile de le savoir en raison du caractère mutilé des papyrus d'Herculanum.

Fig.5
Source : Daniel Delattre-Laurent Capron, CD-Rom « Les Sources documentaires du Livre IV des Commentaires sur la musique de Philodème » (réalisation: Institut de Papyrologie de la Sorbonne - Université de la Sorbonne, Paris IV), Paris, 2007.

 

► Autres signes

Il convient d'ajouter que souvent (sans que la chose soit jamais systématique même dans un rouleau donné ) à l'intérieur de la ligne sous la première lettre de laquelle est placée une paragraphos ou une diplè, on constate la présence, entre deux lettres, (fig. 5) ou bien d'un espace vide (large d'une lettre, en général), ou bien d'un petit trait oblique semblable à l'une de nos apostrophes : cette indication, couplée avec le petit trait marginal, était sans aucun doute une aide à la lecture et au découpage des ensembles syntaxiques majeurs. D'ailleurs, les papyrologues qui aujourd'hui tentent de déchiffrer et de reconstruire ces rouleaux carbonisés mutilés sont très heureux de pouvoir s'aider de la présence d'une telle ponctuation pour structurer de façon assurée (et correcte) les phrases qu'ils restituent avec tant de difficultés.

Il ressort donc de toutes ces informations qu'on se doit de renoncer à colporter l'idée reçue, mais de toute évidence fausse, selon laquelle la ponctuation moderne ne remonterait pas au-delà du Moyen Âge. En fait, quelle qu'en soit la forme, la ponctuation est une exigence pour la lecture intelligente des textes et leur transmission durable dans de bonnes conditions, et les Grecs y recouraient naturellement déjà dans leurs livres-rouleaux, comme plus tard dans leurs codex à pages.


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