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Minuscules grecques

Icône de l'outil pédagogique Minuscules grecques

C'est au IXe siècle après J.-C. que se situe le passage de l'onciale (= la majuscule) à la minuscule.

Pour présenter les choses simplement, l'écriture minuscule est une stylisation, à des fins d'adaptation libre, d'une écriture cursive attestée dans des écritures documentaires et dans d'autres documentations papyrologiques.

Cette nouvelle écriture a un double intérêt immédiatement perceptible : plus petite, elle tient moins de place et permet de mettre davantage de texte dans un volume plus réduit ; pour le copiste, elle permet aussi d'écrire plus vite, le principe de la cursive étant de faire le plus de contour dans le minimum de geste, en relevant le calame le moins souvent possible.

Sur le gain de place et la possibilité d'avoir des « exemplaires de poche » d'œuvres longues, on a le témoignage de Libanios, au IVe siècle après J.-C. - donc à une période où l'on écrit encore en majuscules, mais où il peut y avoir de toutes petites majuscules - : il se lamente sur la perte de son Thucydide, d'autant plus grave que le IVe siècle est une période de crise où l'on a peu de chance de retrouver des copies aussi soignées que celle qu'on lui a volée.
Voici le texte :

À ces événements mérite d'être joint ce qui suit, une petite chose sans doute, mais non sans importance : je vous paraîtrai peut-être m'attarder à des vétilles, mais je sais bien que ce fut une morsure pour mon âme et que je le ressentis comme un grand malheur. J'avais l'histoire de Thucydide, écrite en jolis petits caractères, et le volume entier était si facile à transporter que je le portais moi-même, tandis qu'un esclave m'accompagnait, et ce fardeau avait son charme. J'y lisais le récit de la guerre entre les Péloponnésiens et les Athéniens, en ressentant ce qu'un autre peut-être a déjà ressenti : un autre exemplaire ne m'aurait pas procuré le même plaisir.

À force de tant vanter mon bien à beaucoup de gens, avec plus de joie que Polycrate parlant de son anneau, je finis par attirer des voleurs. J'en surpris quelques-uns, mais le dernier mit le feu pour ne pas être pris, et là s'arrêta ma recherche, mais non mon chagrin. Et le profit tiré de Thucydide, qui aurait dû être grand, s'amenuisa du fait que je le lisais sans agrément, dans d'autres caractères.

Mais le chagrin qui ainsi me frappait fut aussi, quoique tardivement, effacé par la Fortune. Je ne cessais d'en parler avec douleur dans mes lettres à mes amis, décrivant la taille de l'ouvrage, son aspect extérieur et intérieur, demandant : « Où donc est-il maintenant et entre quelles mains ? » Un de mes élèves, un concitoyen, qui l'avait acheté, vint en faire la lecture et son maître s'écria ; « Le voici », en reconnaissant ses marques, et vint me trouver pour savoir s'il ne s'était pas trompé. Je m'en saisis dans l'état d'esprit de celui dont l'enfant depuis si longtemps disparu réapparaît à l'improviste. Je m'en fus tout joyeux, rendant grâces tout aussitôt et maintenant encore à la Fortune. Que l'on rie, si l'on veut, de me voir faire tant d'histoires d'une petite chose : il n'y a rien à redouter, je présume, du rire d'un inculte.

(Autobiographie 148-150).

Ce changement d'écriture, il faut encore en mesurer toute la portée : elle entraîne un phénomène qui est à la fois un phénomène codicologique, paléographique et philologique, la translittération. Tous les manuscrits en majuscules ont été recopiés, à partir de là, en écriture minuscule (avec un certain nombre d'erreurs possibles, qu'on appelle « fautes d'onciales »).

Pour l'écriture, il va donc y avoir une modification du ductus, plus ou moins claire selon les lettres, et la formation d'un nouveau système.

Le premier élément essentiel est le passage d'une écriture bilinéaire à une écriture quadrilinéaire, le noyau de la lettre restant dans les 2 lignes centrales. Dans le passage de la majuscule à la minuscule, les formes un peu particulières de A, de H, de D ou de M « souples » vont jouer leur rôle - étant entendu que le mode de passage d'un tracé à l'autre relève de l'hypothèse et non de la certitude. Dans les deux lignes ci-dessus, l'une portant l'alphabet grec en majuscules toutes inscrites entre deux lignes (bilinéaire) et, au-dessous, les minuscules avec un système quadrilinéaire - entre les deux le ductus « intermédiaire » supposé pour certaines lettres. Le ductus est rendu illisible par la petitesse du dessin.

Quelques abréviations




Les écritures minuscules anciennes (IXe-Xe siècles) ont été bien étudiées et font l'objet d'un relatif accord, qu'elles se présentent sous des formes anguleuses ou rondes, inclinées ou verticales, posées ou hâtives.









Exemple de manuscrit en minuscule : le Venetus 454

Manuscrit de l'Iliade (A dans la tradition), il a été écrit sur parchemin au Xe siècle, il comporte 327 pages, toutes de la même main, avec une réfection au XVe siècle, certaines pages perdues ayant dû être réécrites.
Ecouter une lecture du Venetus 454.

Ce manuscrit n'est pas en minuscules pures, mais il présente tout un éventail de ligatures qui le rendent très intéressant. D'autre part, écrit au Xe siècle, il a subi une réfection au XVe siècle et il nous donne aussi une idée des éditions savantes de cette époque, puisqu'il porte trois types de scholies : les plus importantes sont les notes marginales, mais on trouve aussi des notes intermarginales (entre les scholies et le texte) et des notes interlinéaires.

Aux XIe et XIIe siècles, le canon de la minuscule se dégrade progressivement. À côté du style calligraphique né dès le milieu du Xe siècle et très répandu, se développent diverses écritures cursives aux contrastes très marqués pour ce qui est du module des lettres ou de l'allongement des traits verticaux et obliques. À l'époque de la Renaissance (XVe-XVIe siècles), les écritures se font de plus en plus personnelles, même si les anciens styles persistent dans de nombreux manuscrits.

À cette époque comme dans la période antérieure, la production livresque est en partie liée aux événements politiques contemporains : la chute de Thessalonique en 1430 et celle de Constantinople en 1453 entraînent le déplacement de nombreux érudits, puis leur départ vers l'Occident, où des cours de grec se créent, et des Latins se mettent à copier des textes grecs. La documentation manuscrite conservée devient alors si abondante qu'il est désormais possible de reconstituer la carrière de plusieurs copistes particulièrement productifs.


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