L'occitan, une histoire

Les premiers habitants de l'isthme

Ne remontons ni au Déluge, ni aux hommes du Paléolithique, chasseurs-cueilleurs qui ne font que passer, en trop petit nombre pour laisser leur trace partout. C'est avec le néolithique, c'est à dire avec la naissance de l'agriculture, qu'on peut commencer à entrevoir les fondements des peuplements futurs.

Principaux sites du néolithiqueInformationsInformations[1]

L'agriculture vient de l'est, de l'Asie Mineure en fait, et elle touche progressivement l'Europe occidentale entre le VIIe et le Ve millénaire, selon deux grands axes de pénétration. Le premier suit le littoral méditerranéen et arrive sur nos rivages vers le VIe millénaire (culture de la céramique cardiale). Ces premiers paysans remontent vers le nord jusqu'à la Drôme actuelle, et vers l'ouest jusqu'aux environs de ce qui sera bien plus tard Carcassonne. Un peu plus tard, vers le Ve millénaire, un autre courant de néolithisation venu du Danube touche le Bassin Parisien.

C'est un peu plus tard encore que commence le temps de la culture dite Chasséenne qui va opérer la jonction entre les deux fronts pionniers et recouvrir peu à peu une bonne partie de l'Europe occidentale, avant que n'arrive le temps de la culture des mégalithes (IIIe millénaire), elle aussi sur un espace très vaste.

Le passage d'une culture de chasseurs-cueilleurs à une culture d'agriculteurs est fondamental : la découverte de ressources alimentaires contrôlables et renouvelables permet la croissance d'une population en mesure désormais de s'installer sur des sites qui pour la plupart resteront occupés aux époques ultérieures. Quant à savoir qui étaient au juste ces hommes et ce qu'ils parlaient, c'est à l'heure actuelle impossible. Il faut attendre encore quelques millénaires avant que des sources écrites - produites d'ailleurs par d'autres - permettent d'identifier des noms de peuples.

Au Sud-est, les premiers sur lesquels les géographes grecs nous fournissent des informations, d'ailleurs vagues, sont les Ligures, qui occupent semble-t-il aussi bien la Provence actuelle, avec quelques avancées outre-Rhône, que l'Italie du Nord. Ce nom générique de Ligures est probablement péjoratif puisque désignant des peuples clairement décrits par les Grecs comme particulièrement barbares... Si c'est à de telles populations qu'il faut attribuer les suffixes toponymiques en -osc et en -asc que l'on retrouve du Rhône au Pô, elles sont peut-être déjà de langue indo-européenne, mais on n'en sait pas beaucoup plus.

Causse de BlandasInformationsInformations[2]

De l'autre côté du Rhône, on trouve l'avancée septentrionale d'un peuple venu d'Espagne, les Ibères. Ils ont une écriture syllabique notant une langue à ce jour non déchiffrée. On sait du moins que contrairement à ce qu'on a longtemps cru, elle n'est pas apparentée au basque. L'ancêtre de ce dernier occupe en revanche l'ouest de l'isthme, entre Garonne, Pyrénées, sur les deux versants, jusqu'en Andorre, et Atlantique : le domaine des Aquitains.

Vers le Ve siècle avant notre ère apparaissent des nouveaux venus, de langue celtique, ceux que l'on va bientôt appeler les Keltoi en grec, les Galli en latin, les Gaulois dont on voit qu'ils ne sont donc que des ancêtres parmi tant d'autres. Il s'agit d'ailleurs probablement moins de populations arrivées en masse et éliminant celles qu'elles rencontrent que d'une couche aristocratique prenant le pouvoir sur les indigènes. En tout état de cause, ils sont bien mieux identifiés que leurs prédécesseurs : d'abord parce qu'au delà de l'étiquette générique Keltoi ou Galli, on distingue des peuples bien identifiés : des Volques Tectosages vers Toulouse, Arécomiques vers Nîmes, des Bituriges vers Bordeaux, des Petrocorii plus au nord - ils donneront leur nom au Périgord. Ils enrichissent de noms nouveaux (Uxellodunon - le haut fort, Rigomagos - le marché royal - Riom aujourd'hui) l'obscur fond toponymique antérieur. Et surtout, ils commencent à écrire : les premières (courtes) inscriptions gauloises connues (en Provence et bas Languedoc actuels) remontent au Ier siècle av. J.-C. Elles sont en caractères grecs.

Car les Grecs ne se contentent pas de nommer les peuples qu'ils rencontrent. Ils nouent précocement des contacts étroits avec eux. Les premiers, venus de Phocée s'installent vers le VIIe siècle dans un port naturel suffisamment proche de l'axe rhodanien pour servir de tête de pont vers les grands itinéraires transcontinentaux dont on a parlé : ainsi naît Massalia, promise à un brillant avenir. En concurrence avec leurs rivaux carthaginois, ces Grecs mènent suffisamment bien leurs affaires pour essaimer le long du littoral, de Nice à Agde et plus loin encore vers la péninsule ibérique. Outre l'écriture, ils apportent le commerce et... la vigne. Mais les rapports qu'ils entretiennent avec les indigènes oscillent entre échanges pacifiques et périodes de conflits brutaux. C'est pour faire face à un de ces conflits que les Massaliotes, se sentant menacés, font appel en 125 av. J.-C. à une puissance avec laquelle ils ont une tradition d'alliance : les Romains. Ces derniers acceptent, défont les barbares qui attaquent leurs protégés et... s'installent. Dès 118, ils franchissent le Rhône, et prennent le contrôle du grand axe littoral dont ils font la Via Domitia, prolongement de la Via Aurelia qui longe le littoral entre Rhône et Alpes.

Têtes coupées provenant du site d'Entremont (Bouches du Rhône)InformationsInformations[3]

C'est que l'enjeu, celui que les Grecs avaient déjà identifié, en vaut la peine. Depuis la fin du IIIe siècle, les Carthaginois une fois éliminés, Rome s'est rendue maîtresse de l'Espagne. Un peu plus tard, elle a pacifié les Gaulois de la plaine du Pô. Seul leur manque le tronçon central, qui, outre la jonction terrestre entre les deux péninsules, les place en position dominante sur le début des deux grands axes Rhodanien et Garonnais. Quelques victoires plus tard, ils se retrouvent maîtres d'un territoire qui remonte au nord jusqu'à Vienne, et côté ouest dépasse le seuil du Lauragais et Toulouse, tout en englobant les pentes sud du Massif central : c'est ce que l'on appellera bientôt la Provincia, parsemée de colonies de peuplement entre Narbonne, Aix, Fréjus, Die, Orange, Nîmes...

Ces nouveaux venus efficaces et peu accommodants vont avoir une influence déterminante sur leur nouvelle conquête.

  1. Image originale par Eric Gaba, source : wikimedia Paternité - Partage des Conditions Initiales à l'Identique

  2. source : wikimedia Licence de documentation libre GNU

  3. source : wikimedia Licence de documentation libre GNU

PrécédentPrécédentSuivantSuivant
AccueilAccueilImprimerImprimerRéalisé avec Scenari (nouvelle fenêtre)