Lettre ouverte de la Présidence de l'université Paul-Valéry Montpellier 3

Chères et chers collègues, chers et chères étudiant-e-s

L’université Paul-Valéry Montpellier 3 est, depuis plusieurs semaines, le théâtre d’une mobilisation étudiante contre la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants du 8 mars 2018, dite loi ORE ou loi Vidal, ainsi que contre la réforme du bac. La mesure la plus connue du grand public concerne la réforme de l’accès à l’enseignement supérieur par l’abandon de la plateforme APB pour une nouvelle plateforme, « ParcourSup », qui met fin au tirage au sort des candidats à l’inscription dans les filières sous tension mais instaure corrélativement un système de classement des candidatures des bacheliers par les universités dans toutes les filières.

L’assemblée générale des étudiants mobilisés a choisi comme modalité d'action une « occupation active » de l’université Paul-Valéry s’exprimant concrètement par un blocage quasi-complet des activités d’enseignement (la formation continue et les programmes encadrés de formation internationale sont épargnés) et la paralysie quasi-totale des activités administratives. Après quinze jours de mouvement, le mardi 27 mars, une nouvelle AG d'étudiants a reconduit cette « occupation active » pour une durée illimitée, jusqu’à satisfaction de revendications incluant « la démission du Président Macron » !  

Cette réforme, qui n’est pas que technique, décidée et mise en œuvre à un rythme soutenu fait elle-même suite à une modification profonde de l’accès au niveau master intervenue l’année dernière. Le paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche s’en trouve donc objectivement profondément renouvelé, ce qui peut susciter la crainte légitime de la jeunesse, des familles et de la communauté universitaire.

Dans ce contexte de réformes et d'augmentation massive du nombre de néo-bacheliers, l’université Paul-Valéry Montpellier 3, université de lettres, langues, arts, sciences humaines et sociales, reste fidèle à ses missions de service public et aux valeurs qui les sous-tendent. Nous avons ainsi été la première université à nous engager à accepter, sans condition, toutes les candidatures tous bacs confondus dans les filières qui ne sont pas sous tension et constituent la majorité de nos formations (33 formations sur un total de 49). De fait, nous avons été également la première université à avoir obtenu du ministère que ces filières soient dispensées de procéder au classement des candidatures, procédures aussi dispendieuses qu'inutiles puisque toutes les demandes étaient potentiellement satisfaites. Nous avons par ailleurs augmenté significativement les capacités d’accueil de deux filières à capacité limitée (de 50% pour l’une et de près de 20% pour l’autre). Nous travaillons également à obtenir des moyens supplémentaires en postes (à ce jour 6 postes), en équipement et en financement, en coordination étroite avec le rectorat et le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

En tant que lieu d’acquisition, d’expression et de partage de savoirs et d’analyses critiques, l’université est restée garante, durant ces longues semaines, de la liberté de parole et d’expression sur le campus.  Afin d'éviter toute violence et de ne pas être contraints de fermer administrativement l'université, ce qui y empêcherait toute activité, notamment la tenue des examens, nous avons refusé le recours à un déblocage forcé.

C’est au nom de ces mêmes missions et valeurs que nous ne pouvons aujourd'hui que condamner l’impasse mortifère à laquelle le blocage mène l’ensemble de notre communauté. Il met en péril l’avenir de milliers d’étudiants attendant de passer leurs examens pour valider leur année et celui de plusieurs milliers de futurs étudiants dans l’expectative du traitement de leurs vœux pour la rentrée 2018. Il est également gravement préjudiciable aux conditions de travail des personnels qui, empêchés d’accéder à leurs postes de travail et même de se réunir pour évoquer ensemble cette situation de blocage, conduisent néanmoins, avec abnégation, dévouement et courage, les tâches essentielles en télétravail quand cela est possible ou en partageant, dans la précarité et le stress, éventuellement par roulement, les quelques rares espaces de bureau encore accessibles. Il est, en outre, générateur de dégradations importantes (du mobilier neuf par centaines empilé et exposé aux intempéries, des distributeurs de boissons, neufs également, vandalisés, des caméras de surveillance détruites, des tags …) qui minent le moral des personnels, réduiront la qualité d’accueil des étudiants et pèseront notablement sur les finances de l’établissement.

Contrairement aux slogans entendus sur le campus, l’université n’appartient à personne et n’a pas de « patron ». L’université, la nôtre comme les autres, est un bien commun qu’il nous revient de protéger et de faire vivre par l’enseignement et la recherche. La défense de ses intérêts croise ceux de la jeunesse et de la nation. Les instances qui la gouvernent sont démocratiquement élues et composées d’enseignants-chercheurs, enseignants, personnels administratifs, techniques et de bibliothèque, étudiants, qui représentent l’ensemble de sa communauté.

Parce que nous croyons en ces valeurs, parce que nous savons quelles sont nos responsabilités et les enjeux fondamentaux attachés à une université libre, ouverte et vivante, nous voulons ici porter la voix de ceux qui ne se font pas entendre,  les étudiants inquiets de leur réussite, les publics les plus fragiles (demandeurs d’emploi, étudiants en mobilité, étudiants boursiers …) et des personnels qui se voient interdire l’accès à leur poste de travail et n’ont plus la liberté d’exercer.

Nous réitérons donc l’absolue nécessité de tenir les examens. Nous sommes en train de les organiser.

Nous appelons maintenant les étudiants mobilisés à accepter d'engager un dialogue constructif, que nous souhaitons résolument, et à mettre fin au blocage de l'activité des personnels administratifs, techniques et enseignants.

Le président et les vice-présidents de l’université Paul-Valéry Montpellier 3

Dernière mise à jour : 03/04/2018