M. Mohamad AL HACENE
Soutiendra mardi 3 décembre 2024 à 9 h
Salle des Actes n° 011 à l’Université Paul-Valéry Montpellier 3, Site Saint-Charles 1
une thèse de DOCTORAT
Discipline : Littératures françaises et comparées spécialité Littérature comparée
Titre de la thèse : Crise et métamorphoses de l’identité arabe contemporaine chez Amin Maalouf, Adonis et Waciny Laredj
Composition du jury :
- M. Ridha BOULAABI, Professeur, Université Paris Nanterre
- Mme Marie BOURJEA, Professeure, Université Paul-Valéry Montpellier 3
- Mme Mounira CHATTI, Professeure, Université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis
- M. Maxime DEL FIOL, Professeur, Université Paul-Valéry Montpellier 3, directeur de thèse
- Mme Émilie PICHEROT, Professeure, Université de Lille
- M. Franck SALAÜN, Professeur, Université Paul-Valéry Montpellier 3
Résumé de la thèse :
Cette thèse explore la manière dont la littérature constitue chez l’écrivain syro-libanais Adonis, l’écrivain algérien Waciny Laredj et l’écrivain franco-libanais Amin Maalouf, un espace spécifique de réflexion sur l’identité arabe. Pour ce faire, dans une première partie, on rappelle d’abord que la question de l’identité arabe, qui a émergé par la confrontation avec l’Occident et l’apparition au XIXe siècle du mouvement de la nahda, la « Renaissance » arabe, a été réactivée et portée à un nouveau paroxysme après la défaite arabe contre Israël en 1967, qui a suscité dans le monde arabe un mouvement intellectuel d’autocritique radical, la seconde nahda. En suivant une approche interdisciplinaire, historique, politique et sociologique, ce travail vise à analyser ensuite la trajectoire biographique des trois auteurs, leur déplacement géographique et intellectuel du monde arabe à Paris, ainsi que leur engagement critique, qu’on replace dans le cadre des questionnements intellectuels et politiques qui ont été développés par la seconde nahda. Dans la deuxième partie, on analyse les modalités de la pensée littéraire de ces trois écrivains sur les crises de l’identité arabe, qui s’attache principalement aux impasses religieuses et politiques qui sont apparues au cours des guerres civiles au Liban et en Algérie, et plus récemment avec le Printemps arabe. On mobilise ainsi une approche méthodologique qui envisage la littérature comme « un espace de pensée », en établissant un parallèle entre la pensée « hésitante » du roman et l’ambiguité du sens dans la poésie. A propos d’Adonis, on relie l’émergence du poème moderniste, qui constitue une innovation littéraire majeure dans l’histoire du monde arabe, et qui a provoqué des polémiques virulentes, aux mutations culturelles des sociétés arabes dans la seconde moitié du XXe siècle. On souligne ensuite le rôle critique et engagé des trois écrivains qui, par la poésie (Adonis) ou par le roman (Maalouf et Laredj), cherchent à dégager l’identité arabe de sa matrice religieuse et appellent à une sécularisation du politique et une humanisation du religieux. Dans la troisième partie, on examine la manière dont la réécriture du passé, chez Adonis, et l’anticipation dystopique du futur, chez Maalouf et Laredj, véhiculent en tant que formes littéraires pensantes une critique du présent. On aborde également l’expérience exilique qui inscrit ces écrivains « entre deux mondes » et on interroge leur modèle partagé d’une arabité plurielle et cosmopolite.
Cette thèse analyse ainsi le processus par lequel, chez les trois écrivains, la littérature développe son propre mode de « philosopher » pour penser la réalité d’un monde arabe en crise. On constate que chacun d’entre eux, selon une voie qui lui est propre, en construisant un autoportrait littéraire des Arabes confrontés aux tourments de la modernité, offre au lecteur une sorte de représentation crépusculaire de l’Arabe en crise.
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This thesis explores how literature serves as a specific space for reflection on Arab identity in the works of the Syrian-Lebanese writer Adonis, the Algerian writer Waciny Laredj, and the Franco-Lebanese writer Amin Maalouf. To this end, the first part begins by recalling that the question of Arab identity, which emerged through confrontation with the West and the rise of the nahda movement - the Arab 'Renaissance' - in the 19th century, was reactivated and brought to a new climax after the Arab defeat by Israel in 1967. This event spurred a movement of radical intellectual self-criticism across the Arab world, known as the second nahda. Following an interdisciplinary approach—historical, political, and sociological—this work then aims to analyze the biographical trajectories of the three authors, their geographical and intellectual movement from the Arab world to Paris, as well as their critical engagement, which is situated within the intellectual and political debates developed during the second nahda. In the second part, we analyze the modes of literary thought of these three writers regarding the crises of Arab identity, focusing primarily on the religious and political deadlocks that emerged during the civil wars in Lebanon and Algeria, and more recently with the Arab Spring. We thus employ a methodological approach that considers literature as 'a space for thought,' drawing a parallel between the 'hesitant' nature of the novel and the ambiguity of meaning in poetry. Regarding Adonis, we connect the emergence of the modernist poem - a major literary innovation in the history of the Arab world, which sparked fierce controversies - to the cultural transformations of Arab societies in the second half of the 20th century.We then highlight the critical and engaged role of the three writers who, through poetry (Adonis) or the novel (Maalouf and Laredj), seek to disentangle Arab identity from its religious framework and call for the secularization of politics and the humanization of religion. In the third part, we examine how the rewriting of the past in Adonis's work, and the dystopian anticipation of the future in the works of Maalouf and Laredj, convey a critique of the present as thinking literary forms. We also address the experience of exile, which positions these writers 'between two worlds,' and explore their shared model of a plural and cosmopolitan Arab identity.
This thesis thus analyzes the process by which, in the works of these three writers, literature develops its own way of 'philosophizing' to reflect on the reality of a crisis-stricken Arab world. It shows that each one of them, through their unique approach, constructs a literary self-portrait of Arabs grappling with the turmoil of modernity, offering the reader a sort of twilight representation of the Arab in crisis.