Messor Barbarus, conquérantes de la méditerranée

"Songez à leur société.
Une harmonie parfaite, organisée
en rôles prédéterminés.
Sans défense individuellement,
si puissante en groupe.
- La guerre est finie.
Les fourmis ont gagné."

Saul Bass, 1974
Phase IV

Nom scientifique : Messor Barbarus (Linnaeus, 1776)

Nom vernaculaire : fourmi moissonneuse barbare

Ordre : Hyménoptères

Famille : Formicidae

Caractéristiques morphologiques : Comme tous les insectes, elle possède 6 pattes. C’est un hyménoptère, c’est-à-dire que les ailes arrières sont accrochées aux ailes avants par des crochets. Bien sur les ailes ne sont visibles que chez les mâles et les jeunes reines puisque les ouvrières n’en possèdent pas. Comme chez leurs proches cousines les abeilles, les sociétés de fourmis sont constituées de castes. Comme toutes les Myrmicine, la dernière partie du corps, ou gastre, est séparé du thorax par un pétiole et un post pétiole, leur donnant une allure longiligne. Les ouvrières des fourmis moissonneuses barbares ont une taille qui varient de 4 à 12 mm au sein d’une même colonie. Les plus grandes ouvrières ou « majors » possèdent une tête démesurément grande par rapport aux « minors ». Si le thorax et l’abdomen sont toujours noirs, la couleur de la tête varie du rouge sombre chez les minors au rouge clair chez les majors. Cette couleur de la tête permet de les différencier des autres espèces de Messor présente en métropole. Les reines ont une taille de 13 à 14 mm et possède un gastre très imposant par rapport au reste du corps qui contient notamment de nombreuses ovaires et une spermathèque, organe permettant de stocker le sperme des mâles. Les mâles ne mesurent que 8 à 9 mm et possèdent des yeux et des antennes plus proéminents qui leurs permettent de détecter les reines.

Les nids sont repérables par la présence de nombreuses graines et débris végétaux autour d’un dôme de terre.

Cycle de vie de la colonie :  Chez les Messor barbarus, les colonies sont monogynes : elles n’ont qu’une seule reine qui peut vivre une vingtaine d’années. Les reines possèdent des ailes qui lui permettent de s’envoler au moment du vol nuptial ou essaimage. Chez cette espèce, il a lieu entre septembre et novembre. Cet essaimage et sa celle opportunité de rencontrer un ou plusieurs mâles qui mourront peu de temps après et n’auront vécu que quelques mois. Le sperme est stocké dans la spermathèque et servira à produire l’ensemble des femelles de la colonie : reines et ouvrières. Lorsqu’elle est fécondée, la reine mange ses ailes et s’enfonce dans le sol pour y fonder sa colonie. Elle y passe le reste de sa vie, son rôle est d’être la seule reproductrice.

Régime alimentaire et mode de vie : La Messor barbarus est une fourmi granivore qui construit de vastes fourmilières pouvant s’étendre sur plusieurs mètres de large et de profondeur. Une fourmilière compte généralement plus de 80 000 individus. Les fourmilières de Messor ont des formes qui offrent des conditions d’humidité et de température permettant de stocker les graines, ce sont de véritables greniers. Les ouvrières moissonnent et ramènent les graines au grenier le long de piste qui malgré la petite tailles des fourmis se démarquent de la végétation ambiante par le piétinement d’un nombre incalculable d’individus.

Les énormes mandibules de la Major lui permette de casser les graines récoltées par les
autres ouvrières avant de les transformer avec sa salive pour pouvoir les rendre comestibles

La Messor barbarus a un rôle important dans le fonctionnement des écosystèmes et dans le
maintien de la biodiversité. Elles enrichissent le sol en nutriment et favorise également la végétation en dispersant accidentellement de nombreuses graines lors de leur transport.

Habitat et répartition :  C’est une fourmi très commune qui vit sur les pourtours de la Méditerranée, dans des terrains chauds et secs où il y a de nombreuses plantes graminées. On la trouve donc aussi bien au Liban, qu’à Paul-Valéry. Elle préfère les terrains plats, avec peu d’altitude, où les espaces sont ouverts comme dans la garrigue

Menaces : En France il n’existe aucun statut de protection et conservation concernant les 200 espèces de fourmis fourmis, la Messor Barbarus ne fait pas exception.

Cela ne doit toutefois pas faire oublier la disparition progressive de la biodiversité, les insectes étant en première ligne. L’«Apocalypse des insectes» n’est pas le nom d’un film à petit budget, mais un phénomène réel qui prend de l’ampleur ces vingt dernières années. E. O. Wilson, myrmécologue reconnu et un des pères du concept de biodiversité a même écrit :

"l'espèce humaine survit, capable de se rabattre sur les céréales pollinisées par le vent et la pêche marine. S'accrochant à la survie dans un monde dévasté, et pris au piège d'une ère de ténèbres écologiques, les survivants offraient des prières pour le retour des mauvaises herbes et des insectes".» (The Insect Apocalypse is here, The New York Times)

On estime qu’aujourd’hui un tiers des espèces d’insectes est menacé, ce qui est une catastrophe pour la biodiversité et pour le maintien des écosystèmes, puisqu’ils ont un rôle essentiel dans la pollinisation, la fertilisation et la limitation des nuisibles. Cette hécatombe a plusieurs causes : la destruction des habitats, causée par l’urbanisation et l’agriculture intensive ; la pollution ; les espèces invasives ; le dérèglement climatique.

Anecdote : Les années 50 ont vu naître un sous-genre du cinéma d’exploitation basé sur les animaux et insectes tueurs : Godzilla passera à la postérité haut la main, mais la même année sort Them!, fourmis bien décidées à en découdre avec les humains. En pleine guerre froide et quelques années seulement après l’emploi de la bombe atomique, ces films émanent d’une peur profonde et nouvelle : le nucléaire et les dérives scientifiques. A partir de là, les fourmis deviennent un thème récurrent en science-fiction. Et le super individu qu’est la colonie a effectivement de quoi terrifier s’il en vient muter. Phase IV (1974) de Saul Bass, exploite la fascination de l’Homme pour les fourmis : l’individualisme et les dérives scientifiques ont fini par causer la perte de l’humanité. On ne peut plus se reposer sur science et la technologie pour nous sauver face à une entité composée de plusieurs millions d’individus, organisés et possédant le sens du sacrifice au nom du « bien commun ».

Master Valorisation et Médiation des Patrimoines Promo 29, Claire Doubnikoff et Blandine Léger

Dernière mise à jour : 17/10/2021